Le voyage émotionnel du leader de Big Thief

Adrianne Lenker représente une sorte de beatnik américain contemporain si l’on exclut la débauche alimentée par la drogue. Élevée dans diverses sectes chrétiennes avant de partir vivre sur la route, elle s'inscrit dans une longue et fertile tradition d'artistes nomades comme Sylvia Plath, dont la plume est souvent leur seule compagnie rassurante. Avec des chansons qui voyagent sans effort à travers de vastes paysages émotionnels, la narration de Lenker ne serre jamais le frein à main, oscillant régulièrement entre des thèmes tels que l'amour perdu, les souvenirs d'enfance et le temps qui passe. Son écriture s'apparente à la route elle-même ; vous n'êtes jamais au même endroit très longtemps.

De retour avec son sixième album solo « Bright Future », la chanteuse de Big Thief atteint ici une nouvelle assurance lyrique. Alors que ses albums précédents « Songs » et « Abysskiss » racontent souvent les insécurités passées de Lenker concernant l'amour perdu avec une teinte d'autocritique («Rappelle-moi comment être aimé de toi? » elle a chanté dans « What Can You Say » en 2018), « Bright Future » regarde vers l'avenir avec une forte détermination. Aujourd'hui, Lenker affirme sur 'Evol' : «Tu as mon cœur et je veux le récupérer».

La puissance du récit de Lenker est renforcée par la production de l'album ; aucune chanson n'est collée ou superposée, souvent capturée dès la première prise. Sur « Real House », une sombre histoire sur un animal de compagnie d'enfance, sa voix passe de douce à forte alors qu'elle s'éloigne du microphone avant de s'y rapprocher à nouveau. Ici, l'intimité est créée par le mouvement palpable de la voix de Lenker, brute et dévoilée, ni couverte par l'instrumentation ni par les effets de production.

Le mouvement est le carburant du « Bright Future » et le rythme de l’accélérateur. « Sadness As A Gift », une chanson sur le temps perdu, est soutenue par des accords ouverts entraînants et des notes de tête palpitantes tissées ensemble par le piano et le violon. Plus tard, nous entendons parler de la mauvaise orientation de l'amour dans « No Machine », une ballade doucement fluide marquée par de magnifiques harmoniques à cordes, qui tremblent au-dessus des mots «je ne sais pas où j'irais sans toi».

Cela fait une décennie que Lenker a commencé à faire sa marque avec son deuxième album « Hours Were The Birds », et sa direction reste floue. Cependant, c’est précisément cette dislocation qui exerce un énorme pouvoir sur « Bright Future ». Tout comme ses années de beatnik sur la route, cet album reflète tous les rebondissements de la vie. C'est la bande-son parfaite pour un long voyage en voiture passé à regarder par la fenêtre, en aspirant à ceux que vous avez laissés derrière vous : «Les nuages ​​passent / Le vent dans mon dos, je sens le frisson» elle chante sur « No Machine », «Conduis de ville en ville / Vers l'océan de ton amour, je suis une rivière ».

Détails

  • Date de sortie: 22 Mars
  • Maison de disque: 4AD