En 2014, l’artiste connu sous le nom de Christine and the Queens ne s’est pas tant présenté au monde qu’il l’a attrapé et secoué par les épaules. Avec son premier album « Chaleur Humaine », puis « Chris » en 2018, lui, un homme solitaire, a fait de la musique pour d’autres solitaires – une solitude vive et exquise aussi générative et édifiante que le chagrin. Avec la douleur comme moteur, il parlait le langage d’un désir intense, son angoisse incandescente. Ses chansons – qui englobaient toutes les nuances, de l’amour des chiots aux idées suicidaires – possédaient une gamme émotionnelle vertigineuse et dévastatrice jamais vue dans la pop depuis les Pet Shop Boys. Il a dansé comme un jeune Fred Astaire, fanfaronné comme Mick Jagger, a volé des cœurs comme Justin Bieber. Il était l’une des perspectives les plus prometteuses de l’alt-pop.
Sur son dernier album ‘PARANOÏA, ANGELS, TRUE LOVE’, Chris sonne comme s’il avait mal placé son tact. Là où il a jadis tendu la main au monde, ici il se replie sur lui-même, devenant trop solipsiste et indulgent envers lui-même. Il n’y a rien de plus puissant qu’une hallucination, ou même une crise de colère, mais pour les spectateurs, il n’y a pas moyen d’aider quelqu’un, ou même de s’identifier à lui, lorsqu’il est plongé dans cet état – telle est l’expérience d’écouter ce disque.
Présenté comme un opéra de 96 minutes, son quatrième album studio est un geste hautain alourdi par sa propre folie, balayant plutôt le pathos. Peu d’opéras manquent d’actes définis, très peu ont une ambiance soutenue et homogène. ‘PARANOÏA, ANGELS, TRUE LOVE’ rejoint un champ exclusif : c’est une écoute souvent lassante.
Coproduit aux côtés de Mike Dean (Kanye West, Beyoncé, Lana Del Rey), la palette de l’album rappelle celle de l’album éponyme d’inspiration baléare de Seal. Le mixage est sans fondement, utérin et caverneux, tandis que les paroles scintillent trop rarement dans la pénombre de l’album. Autrefois un parolier pointu, Chris est souvent sans profondeur, sinueux et fragmentaire dans son écriture. Ses hameçons sont pat (“tes yeux sombres me fixent», entonne-t-il encore et encore sur « True Love »), et rien n’est resserré. Les chansons s’inscrivent davantage comme des improvisations émotionnelles qui pourraient bénéficier de l’équilibre de la réflexion et d’une réflexion plus approfondie. L’album n’est qu’une série de supplications désespérées ; le son de quelqu’un qui s’affaiblit et se dévitalise.
Madonna, que Chris enrôle ici en guest sur trois titres, incarne un rôle de cyborg omniscient à la Laurie Anderson, là pour aider à donner forme et cohérence à l’album. Sa présence froide se heurte finalement au maudlinisme de Chris, en particulier sur « Lick The Light Out », une chanson qui sonne comme si elle voyageait dans deux directions opposées, sans savoir où atterrir. De même, sur ‘True Love’ et ‘Let Me Touch You Once’, qui présentent le 070 Shake qui monte en flèche, Chris semble sublimer son identité musicale à son invité. Les deux chansons sonnent plus comme des faces B de 070 Shake, laissant la voix de Chris timide et incertaine.
Quand un artiste prévenu par tant de grandeur subit une telle baisse de qualité, il faut se demander, avec beaucoup de sincérité : est-ce qu’il va bien ? Reviens, Chris, et secoue-nous encore une fois.
Détails
- Date de sortie: 9 juin
- Maison de disque: Parce que la musique