Loyle Carner – Critique de « Hugo »: un conteur honnête et sans éclat

Au sommet d’une falaise côtière guyanaise, regardant la caméra aux côtés du légendaire poète John Agard, le plan de clôture de la nouvelle vidéo de Loyle Carner « Georgetown » résume le voyage inspirant du rappeur du sud de Londres. Produit par la royauté du hip-hop Madlib, nommé d’après le lieu de naissance de la grand-mère paternelle de Carner, et échantillon du poème séminal d’Agard Métisla large portée du single s’écarte de la narration subtile et personnelle des premiers succès comme ‘Canton’. Le message est clair. Sur son troisième album, Loyle Carner s’ouvre au monde.

Connu pour ses rythmes hip-hop britanniques doux et jazzy et ses rimes intelligentes et introspectives sur la famille, l’amitié et le chagrin, Carner est un conteur honnête et sans éclat. Après ses débuts en 2017 « Yesterday’s Gone », des collaborations avec des artistes comme Jorja Smith et Tom Misch l’ont propulsé dans le courant dominant, avant que le suivi de 2019 « Not Waving, But Drowning » ne renforce son statut de l’un des talents les plus brillants du hip-hop britannique.

Empreint d’une réflexion mélancolique, « Hugo » a été écrit en lock-out, lorsque les manifestations mondiales contre le racisme structurel ont eu un impact dramatique sur Carner. Le résultat? Un album qui explore les thèmes de la race, de l’identité et de l’appartenance dans une nouvelle profondeur. « Ladas Road (Nobody Knows) » reflète le fait d’être un homme métis confronté au racisme anti-noir sans l’étreinte totale de la communauté noire. Il rappe « J’ai dit au noir, il n’a pas compris / J’ai atteint le blanc, il ne voulait pas me prendre la main » son ton renforçant l’énergie volontaire du cri d’ouverture de l’album : « Laissez-moi vous dire ce que je déteste ! »

Nouveau père, Carner a récemment qualifié sa musique de « véritable représentation des faits » pour que son fils puisse regarder en arrière, documentant son statut de jeune artiste noir et aisé traitant un passé difficile. « Blood on my Nikes » résume cela. Un instantané obsédant d’un meurtre dont Carner a été témoin âgé « à peine seize ans »il comporte des cornes inquiétantes et un discours poignant sur le crime au couteau par un activiste adolescent Athian Akec. Enrichi par des barres puissantes comme « Alors j’ai grandi en ayant peur du bus de nuit / Peur des garçons qui nous ressemblaient »le titre frémit d’une noirceur contagieuse.

Sur le plan sonore, c’est son disque le plus abouti à ce jour. Le producteur londonien kwes offre un son soul et mélancolique qui aide Carner à passer d’une narration dynamique et multi-syllabique à une voix plus honnête et réfléchie. C’est personnel, mais de grande envergure; le rappeur pleure son père, mais il pleure aussi des étrangers, des enfants perdus dans la violence, le crime, un État hostile. Il est triste, pleinement conscient de l’injustice du monde, mais plus à l’aise avec sa place en son sein. Dans ‘Homerton’, le parolier de Croydon souligne cette vision, rappant « Je commence à penser à l’héritage que je laisse ». Une chose est sûre – après « Hugo », cet héritage est plus riche.

Détails

  • Date de sortie: 21 octobre 2022
  • Maison de disque: EMI, Warp Musique