Broken Bells – Critique de « Into The Blue »: une pop méticuleuse qui change de genre

Pour leur premier album sous le nom de Broken Bells depuis 2014, James Mercer des Shins et Brian « Danger Mouse » Burton ont décidé de rendre hommage à la grande quantité d’influences qu’ils ont en commun. Le disque les voit jeter un large filet, présentant une palette qui embrasse les sons des six dernières décennies de musique populaire.

L’éventail de l’album est en effet considérable. La chanson titre d’ouverture rappelle le psychédélisme vintage, des riffs plongeant lentement trempés d’écho, des cloches sonnant dans les espaces laissés par les grattements de guitare acoustique. ‘We’re Not In Orbit Yet’ suit, clairement redevable au somptueux MOR des années 1970, suivi à son tour par un son folk-rock dépouillé sur ‘Invisible Exits’. Ailleurs, « One Night » accélère le tempo avec une coupe percutante et sombre de synth-pop mouchetée des années 80, et « Forgotten Boy » plonge profondément dans le trip-hop morose.

Ils sont également heureux de mélanger ces genres ensemble, comme sur « Fade Away » plus proche, dans lequel une chanson pop orchestrale luxuriante est complétée par des riffs sombres de guitare et de piano qui rappellent The Cure à leur plus gothique, tandis que « Love On The Run » est une pièce maîtresse épique de sept minutes qui englobe la soul épique, la pop rêveuse et les ballades au piano plaintives. L’un des producteurs les plus appréciés de sa génération, le travail de Burton sur le disque répond à ses normes habituelles; chacun des myriades de sons du disque est arrangé dans un équilibre parfait.

C’est un témoignage de l’expertise du duo que le disque puisse englober tant de choses sans sembler fragmenté à distance. Malgré toute la diversité stylistique de l’album, le propre son de Broken Bells – forgé au cours de 13 ans de collaboration entre Mercer et Burton – a la plus forte présence de tous. Presque tout est recouvert de leur mélancolie de pavot signature, les qualités plus émouvantes de la voix de Mercer poussées comme toujours au premier plan.

Qu’il s’agisse de pop des années 80 ou de psychédélisme des années 60, chaque style du disque est présenté selon les termes de Broken Bells. Cela fait des merveilles pour la cohérence de l’album. Cependant, il a aussi ses inconvénients. Souvent, le pur frisson qui devrait accompagner les sauts stylistiques de l’album est émoussé par l’uniformité que les deux imposent.

Ce n’est peut-être pas une coïncidence si les moments les plus excitants du disque surviennent lorsqu’ils sortent un peu de leur propre moule et se livrent. Les « samedis », par exemple, lorsqu’ils se lâchent et se glissent dans un wig-out psychédélique à part entière, une batterie qui tumbling et une basse sirupeuse. Pour la plupart, cependant, bien que jamais moins que magnifiquement réalisé, on a le sentiment que le disque a un potentiel plus dramatique et intense qui reste frustrant inexploité.

Détails

  • Date de sortie: 7 octobre 2022
  • Maison de disque: AWA